Voici
Brioche à Tête
Quand j’ai commencé à pratiquer l’art de la pâtisserie, mon but était d’apprendre les bases et ensuite de partir. Vivre ailleurs. Je savais que je ne voulais pas ouvrir un commerce en France. Après deux ans à voyager en Australie, ma copine — qui est maintenant ma femme —et moi avions le choix entre nous installer au Canada ou au Japon. Nous avons choisi Montréal. Deux ans après, mon frère nous a rejoint et nous avons créé Brioche à Tête.
Je me suis fait dire que je faisais les meilleures brioches ! Puis, en bougeant un peu ailleurs dans Montréal, je me suis rendu compte que c’était un produit que tu ne trouvais pas souvent. Les viennoiseries sont très développées, mais la brioche, les gens connaissent peu. Même encore maintenant, il y a des gens qui viennent à la boulangerie et disent « Mais qu’est-ce que c’est que ça? ». Il y avait donc une opportunité. Pour Brioche à Tête, j’ai trouvé le nom cool, j’aimais comment les Québécois le prononçaient.
Partout, surtout les réseaux sociaux. Mais aussi pendant mes voyages et mes expériences de travail dans différentes villes et restaurants. Moi, j’aime tout le temps expérimenter. Expérimenter avec les saveurs, les ingrédients et essayer des choses juste pour les essayer et pour les faire goûter aux gens. Voir comment ils réagissent. Ils disent soit « OK j’aime ça » ou « j’aime moins » et puis tu crées ton identité relativement à ce que tu aimes. Tes goûts. C’est ce qui doit venir en premier. C’est comme ça que tu trouves ton style.
Enfant, j’étais toujours dans les jupes de ma mère. Elle cuisinait énormément et quand mes deux frères jouaient, je passais mon temps à la regarder, à l’étudier et à goûter. Les goûts salés m’ont toujours moins attiré.
Quand j’avais 10 ou 11 ans, mon ami Charlie et moi avions tellement de plaisir à faire des gâteaux à la noix de coco. On mélangeait chocolat, noix de coco, œufs et c’était plutôt mauvais ! Mais nous aimions expérimenter plus que tout, juste essayer et faire des choses. Apprendre nous-mêmes. Une fois plus vieux, j’ai voulu me lancer dans la pâtisserie et la cuisine. C’était une passion que j’ai toujours portée en moi et ça grandissait de plus en plus.
Quand je suis arrivé à Montréal, quelques amis habitaient dans le Mile-End et j’ai trouvé que le quartier était cool. Il y a aussi une clientèle différente ici. L’été, les gens viennent de tous les coins de la ville pour tester nos croissants et nos brioches. C’est grâce au bouche-à-oreille, ça et les réseaux sociaux. Du coup, quand ils viennent, ils ont vraiment envie de venir tester et essayer ce qu’on a. Ce n’est pas un choix par défaut.
Absolument. Tu peux faire la plus grosse campagne de publicité avec la meilleure agence de communication, mais si le goût n’est pas là, les gens viendront juste une fois. Et ce sera la seule fois. Les clients savent de quoi ils parlent et le bouche-à-oreille est la meilleure publicité. Nous, on ne s’arrête jamais de goûter nos produits. Tout est dans le goût !
Donald. Il vient à la boulangerie à 5 h 30 du matin. Au début, il venait parfois pour un café, maintenant il est là absolument tous les matins. Voire il vient à 4 h du matin parfois pour nous aider à faire les croissants ! Il les roule avec nous. Il a son atelier en face de la rue et quand il a une pause, il nous rejoint pour manger. C’est ça la proximité ! Il est très curieux et pose beaucoup de questions « Comment vous faites ça? J’ai toujours rêvé de savoir comment faire un croissant ! » Il nous voyait pétrir, tourner, rouler et cuire les croissants. Il trouvait ça magique. L’odeur, le toucher, absolument tout. Notre relation s’est créée rapidement au fil des questions. Nous partageons les astuces du métier. Les clients comme Donald deviennent des amis.
Ah ah ! Je ne peux pas tout dire ! Mais un des secrets est de donner du temps au temps. Il y a des temps de repos et des temps de pétrissage. Avant tout, il faut de bons ingrédients. Ah ! et l’amour bien sûr !
J’aime La Khaima, un restaurant mauritanien juste là en face de la rue. Leur tajine et leur couscous sont délicieux. C’est un lieu très coloré. Le propriétaire est un ami aussi et il y a des fois où il prépare quelque chose de spécial pour nous avec les ingrédients qu’il a en arrière. Pareil avec Franco de la Drogheria Fine à quelques mètres qui fait des sauces tomate fabuleuses et des gnocchis. Honnêtement, sa sauce est incomparable. Ça me tue ! Nous avons créé un réseau avec les gens de la rue et on se soutient tous ensemble. Par exemple on prend toujours notre jambon chez Vito, de la Boucherie Chez Vito. Tu as aussi le restaurant Fabergé qui est très bon, surtout pour les brunchs. Les glaces de Kem Koba aussi sont un délice !
Texte par Caroline Desmartin
Révision par Laurence Perras
Photographie par Wedge
Illustration par Mathieu Dionne